La multiplication des pains et des poissons (Jean 6, 1 - 15) par Alexandra Domnec RETOUR |
Huile sur toile - 65 x 54 cm (15 F) - Septembre 2012
Le
tableau,
semaine après semaine Voir les articles parus sur ce tableau : le journal "Relais" de l'ACE (Action Catholique des Enfants) et le journal "Dialogue" de la Paroisse Saint-Gilles de Bourg-la-Reine |
Texte
de la Bible
1
Après cela, Jésus s'en alla sur l'autre rive de la mer de
Galilée, la mer de Tibériade. 2 Une grande foule le
suivait, parce qu'elle voyait les signes qu'il produisait sur les
malades. 3 Jésus monta sur la montagne ; là, il s'assit
avec ses disciples. 4 Or la Pâque, la fête des Juifs,
était proche. (d'après la Nouvelle Bible Segond) |
La scène : Un moment de paix et de partage... C'est bientôt la fin du jour. Nous sommes un peu au-dessus de Bethsaïda, petit village de pêcheurs au nord du lac de Tibériade. Sous un grand olivier, nous voyons 5 pains et 2 poissons disposés devant Jésus-Christ, ainsi que les 12 disciples et une foule de 5000 hommes, assis dans l'herbe. Il s'agit d'un de ces moments de paix, de douceur, de repos, de partage, de vie, ... de grâce ! La "multiplication des pains" est relatée dans les 4 évangiles* de différentes manières. Dans l'Evangile de Jean, c'est le 4ème signe* sur un ensemble de 7. Ce qui lui confère une position centrale. Un 8ème signe, la "pêche miraculeuse", est raconté à la fin de l'évangile, après la résurrection de Jésus-Christ. En commençant à peindre ce
tableau, je me suis demandée "où nous
étions exactement ?" Est-ce un lieu
géographique ? Que
nous apprend Bethsaïda ? Qui
peut y venir ?
Le message : Ne sommes-nous pas le pain d'un d'autre ? 1/ Où sommes-nous ? "1
Après cela, Jésus s'en alla sur l'autre
rive de la mer de Galilée, la mer de
Tibériade."
Le lieu exact de la multiplication des pains, dans l'Evangile de Jean, n'est pas précisé. Je suis donc partie en quête de ce lieu, un peu comme les 2 premiers disciples de Jean-Baptiste qui se mettent à suivre Jésus...
Dans l'Evangile de Jean,
les 5 premiers disciples (voir en
annexe 1 : Jean 1, 35 -
51) viennent de 2 villages situés sur
le Lac de Tibériade (ou Mer de Galilée). Les 3 ou
4 premiers disciples sont des pêcheurs et vivent à
"Bethsaïda" . Il s'agit d'un inconnu
(peut-être Jean ?) et d'André, les 2 disciples de
Jean-Baptiste, puis du frère d'André, Simon
Pierre et ensuite de Philippe. Ce village se situe sur la rive Est du
Jourdain et signifie en hébreu la "maison de la
pêche". En tout, ils sont 5. Tiens, comme les "5 pains d'orge" ! Cette donnée géographique est intéressante. Car dans l'Ancien Testament, le Jourdain est une frontière naturelle entre la Terre Promise des hébreux (le peuple élu) et le monde païen. Les 5 premiers disciples viennent donc des 2 rives. Ces 5 premiers disciples sont a priori une base. Et le premier "échantillon" des proches de Jésus-Christ vient symboliquement, pourrait-on dire, du monde entier. Par ailleurs, la scène de la multiplication se passe sur cette rive Est du Jourdain ("sur l'autre rive de la mer de Galilée"), dans le monde païen, dans l'Hermon... Ce qui renforce une fois encore à mon avis l'idée que ce message est adressé à tous (ce qui n'était pas évident pour l'époque). Bon, très bien, mais tout ça ne nous dit pas encore "où nous nous trouvons". Peut-être que pour mieux cerner ce lieu, il faut étudier ce que nous y faisons, "ce que nous y cherchons"... J'ai l'impression que Jésus-Christ nous fait découvrir chaque pièce de cette "demeure". Et cette découverte se fait par l'observation et l'apprentissage des "manières" de son hôte. Pas à pas au cours de cette visite, j'ai le sentiment que nous entendons de mieux en mieux les battements de coeur de cette maison, un peu comme une horloge qui rythme le temps et dont le carillon raisonne dans toutes les pièces. Plus nous faisons silence, plus nous nous rapprochons du centre de cette demeure, plus nous l'entendons, plus nous l'écoutons... Et son absence deviendrait insupportable. Ce battement, c'est celui qui cadence la Parole de Jésus-Christ qui au fur et à mesure ouvre l'appétit de ses hôtes et nourrit leur coeur d'un pain de vie... "2
Une grande foule le suivait,
parce qu'elle voyait les signes qu'il produisait sur les
malades." Porte d'entrée : La foule voit en
Jésus seulement l'idée d'un
guérisseur.
Qu'importe les motivations de ceux qui viennent. La seule chose qui est peut-être "nécessaire"
pour venir dans ce lieu, c'est de "lever les yeux"
et de chercher quelque-chose, même si on
ne sait pas exactement quoi, ni où le trouver, ni
même pourquoi ! "5 [...] ; il dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger ?" Pièce de réception : Ensuite, il s'agit d'accueillir l'inconnu qui vient et de chercher à lui offrir du pain. Ce passage me fait penser également à l'accueil que fit Abraham aux 3 hommes dans l'Ancien Testament (Genèse 18, 1 - 5).
Car la fonction du pain est, je crois dans la Bible, de "soutenir le cœur de l'homme" :
"6 Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait, lui, ce qu'il allait faire. 7 Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pains ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu. 8 Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit : 9 Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens ?" De la cave au grenier : C'est un lieu, où nous sommes "incités" à réfléchir. Où nous sommes poussés à comprendre quelque-chose par l'expérience. Comme dans ce cas "extraordinaire" où nous devons faire le tour des possibilités pour chercher une solution. Ce qui conduit à constater certaines limites de notre existence. Et peut-être même à se demander s'il est possible d'envisager autre chose... Mais quoi ? 10 Jésus dit : Faites installer ces gens. — Il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. — Ils s'installèrent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. Dans le jardin au repos : Alors on sort de cet espace limité, de ces 4 murs dont on fait le tour sans succès et on va prendre l'air dans le jardin. On va respirer ! Puis on y installe ses hôtes confortablement dans un lieu paisible, dans un "grand et vert pâturage". Cette image me fait penser au magnifique "Psaume 23 " (voir en annexe 3 : Psaume 23) de l'Ancien Testament.
Car comme le battement de cœur de l'horloge, "il y a un temps pour tout" (Ecclesiaste 3, 1 - 8). Un temps pour marcher et un temps pour se reposer, un temps pour utiliser ses ressources et un temps pour se restaurer, un temps pour parler et un temps pour écouter, un temps pour "recevoir" et un temps pour "donner". Il y a un temps pour chaque chose. C'est comme pour créer un beau jardin. Il y a un temps pour semer, un temps pour voir pousser et un temps pour récolter... Et là, comme Marie (voir en annexe 4 : Marthe et de Marie dans Luc 10, 38 - 42), nous allons nous asseoir et découvrir, comme ce fut annoncé aux disciples en Samarie, une "nourriture que nous, nous ne connaissons pas" (voir en annexe 5 : Jean 4, 32), tout en apprenant comment la préparer et la servir. Alors, qu'est-ce qu'est-ce que c'est !? "4 Or la Pâque, la fête des Juifs, était proche" Cette nourriture est faite à base d'orge ("5 pains d'orge") et nous sommes proche de la Pâque. C'est donc une nourriture de saison. Rappel : En effet, il existait 3 fêtes des récoltes, celle de l'orge, le grain commun (mars/avril), celle du blé, le grain noble (mai/juin) et celle du raisin et des fruits (septembre/octobre). Israël va donner une nouvelle signification à ces trois fêtes. Puis, le christianisme reprend à son tour la tradition juive en l'adaptant. La récolte de l'orge correspond à la Pâque juive (ou Paques chez les chrétiens), celle du blé 50 jours plus tard à la Fête des Semaines (ou Pentecôte chez les chrétiens) et celle des fruits, en automne, à la très joyeuse Fête des Tentes (ou je crois "Thanksgiving" chez certains chrétiens...). Dans l'Ancien Testament, la Pâque juive (Pessa'h ou la fête des Pains sans levain) correspond à la libération par Dieu du Peuple Hébreux de l'Egypte (Exode 34, 18 - 23) et le début de l'Exode. Le départ des Hébreux fut si précipité que le pain n'eut même pas le temps de lever. Depuis, le pain est mangé sans levain durant la semaine qui précède la Pâque. A cette occasion, les prémices de la récolte, les premières gerbes d'orge sont offertes au Temple (Lévétique 23, 5 - 14). On
avance, on avance... Et nous voyons que déjà au loin, les champs d'orge "sont blancs pour la moisson" (Jean 4, 35). Maintenant, nous avons faim ! 11 Jésus prit les pains, rendit grâce et les distribua à ceux qui étaient là ; [...] Dans un jardin fertile :
Il y a en tout "5 pains d'orge". Je pense que c'est une allusion aux "5 premiers disciples" de l'Evangile de Jean (Jean 1, 35 - 51). Ils sont comme 5 petites graines d'orge qui ont germé et poussé, arrosées et soignées par Jésus-Christ. Chaque graine s'est multipliée portant de beaux épis qui se sont épanouis à la lumière de son enseignement et qui ont gonflé au levain* de sa Parole. Ils sont comme les prémices d'une première récolte d'orge. Et de cette récolte, 5 pains d'orge (ou devrait-on dire 5 "mazas"*, sorte de galettes plates) ont été fabriqués. Car le but de toute ce labeur, c'est de fabriquer le pain "qui soutient le cœur de l'homme"...
Je me suis demandée ce que voulait dire "rendre grâce" (en grec "eucharisteo"). Voilà où j'en suis. Le don de la grâce, j'ai l'impression que c'est une magnifique histoire d'amour entre un père et ses enfants. C'est d'abord un Père qui aime ses enfants. Et certains apprennent à "aimer" en voyant chaque jour leur Père les "aimer", en vivant auprès de lui, en mangeant ce qu'il sert, en observant les règles de sa maison (Loi), en se nourrissant de sa Parole... Puis l'enfant grandit et part du nid. Jésus-Christ a reçu cet amour et dans toute son humanité, c'est-à-dire avec son libre-choix, il a réussi à "aimer" comme son Père. L'homme est capable lui aussi de "donner" à Dieu et aux hommes tout son amour, tout son être, toute sa vie. L'homme peut "aimer" entièrement. En tout cas "notre frère aîné" en est capable !... Et c'est en ça
que je comprends le "il
rendit grâce".
Donc, comme une fontaine en vases communicants, nous sommes dans un lieu où à notre tour, Jésus-Christ donne et nous apprend ainsi à recevoir les dons infinis de "notre Père" ("autant qu'ils en voulurent"), à le louer, à lui "rendre grâce". Et en distribuant lui-même le pain, il nous apprend à servir son prochain, comme il le fit ensuite lors de son dernier repas en lavant les pieds de ses disciples (voir en annexe 6 : Jean 13, 12 - 20). C'est donc un lieu d'échange, de communion (mise en commun), de don de soi (service), de joie, de vie...
12 Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne se perde. 13 Ils les ramassèrent donc ; ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge qui restaient à ceux qui avaient mangé. Dans le jardin d'Eden :
C'est un lieu où l'on reçoit plus que de nécessaire. Et chaque morceau de pain compte, chaque don compte, chaque présent compte... Et quels sont ces
morceaux de pain ? |
|
Car ce pain, c'est le pain de vie qui rassasie.
Il est la source de vie "qui soutient le cœur de l'homme" Et ce pain c'est toute la vie
de Jésus-Christ, sa Parole,
ses "manières d'agir", son "amour"
reçu et donné. C'est cette Parole qui annonce et
accomplit dans la foulée ce qu'elle dit. C'est tous ces morceaux
de vie, comme des morceaux de pain qui peu à peu
nous nourrissent, nous restaurent et transforment notre vie.
C'est donc un lieu où nous pouvons demander et recevoir chaque jour de ce pain de vie. "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien ;" (Matthieu 6, 11) C'est un lieu où nous sommes "restaurés". Ce verbe a plusieurs sens, comme pour le verbe hébreu "Shuwb". Nous sommes "restaurés" dans le sens de "nourris", mais aussi dans celui de "réparés" ("remis à neuf") et dans celui de "revenus" ("retourné") à nos origines, c'est-à-dire celles "d'être un enfant de Dieu". Ce lieu, ne serait-ce pas le "Jardin d'Eden"* ?
Et tous ces morceaux de pain sont maintenant contenus dans 12 paniers. Ils sont comme des morceaux de vie, de joie et d'amour que les 12 disciples vont emporter avec eux sur le chemin, comme des présents qui leur sont confiés à distribuer à l'inconnu... Ne sommes-nous pas le pain d'un d'autre ? |
11 [...] ; il fit de même pour les poissons, autant qu'ils en voulurent. |
Dans un jardin intérieur :
Nous voilà revenus sur le même pied, mais transformés ! Voilà ce que
sont, je crois, ces 2 poissons : Et, ils sont les 2 pieds de l'heureux*, celui qui se lève et qui marche. Celui qui est prêt à porter* le fruit, c'est-à-dire d'"aimer" comme nous sommes aimés, de mettre en nous ce verbe comme un pain vital et ainsi de donner à nos rencontres peut-être l'envie de partager ce pain...
Ce lieu, je crois qu'il est en nous. C'est un "jardin
intérieur", un "espace commun"
d'amour et de vie que nous partageons en Dieu (par
son Fils et par son Esprit) et avec tous les
autres, nos frères, notre grande famille depuis la
nuit des temps !
|
Synthèse
Ne sommes-nous pas ... Il y a un temps pour tout : "4 Or la Pâque, la fête
des Juifs, était proche." Semer : 5000 hommes, comme 5000 graines
d'orges, Pousser : 5 pains d'orge, comme 5 premiers
disciples, Récolter : 12 corbeilles, comme 12 disciples Porter : 2 poissons, comme les 2 pieds de
l'heureux Ne sommes-nous pas le pain d'un d'autre ? ... |
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